SoftwareIl y a quelques années, une entreprise de marketing a entrepris une expérience dont le résultat peut laisser songeur. Pendant une semaine, un stand de confitures dans un supermarché proposait pas moins de vingt-cinq sortes de confitures, disposées en petites pyramides de pots bariolés. Le stand attirait beaucoup de monde. Les clients s’arrêtaient pour goûter aux nombreux échantillons. Tout le monde louait la qualité des confitures et la variété de saveurs disponibles. Pourtant les ventes restaient médiocres.

Confitures

La semaine suivante, le stand ne comptait plus que trois sortes de confitures différentes, disposées en une seule pyramide. Personne ne chantait les louanges de la disposition du stand, qui n’avait plus rien de spécial. Pourtant, les trois saveurs de confitures disponibles se sont très bien vendues cette fois-ci.

Simplifier le choix

Les utilisateurs de systèmes d’exploitation propriétaires courants – comme Microsoft Windows ou macOS – sont habitués à une poignée de versions plus ou moins courantes de systèmes. Windows 10 cédera progressivement la place à Windows 11, que l’utilisateur le veuille ou non. Et macOS a repris son nom d’origine avec macOS Ventura qui succède à macOS Catalina, Big Sur et Monterey. Tous ces systèmes se déclinent tout au plus en une Édition familiale et une Édition professionnelle, à peu de choses près.

Windows 10

La nausée devant l’abondance

Quant à l’utilisateur novice de Linux – celui qui souhaite s’y mettre, ne serait-ce que pour essayer –, il se retrouve d’abord confronté à un choix qui peut s’avérer déroutant. Linux, OK, mais lequel ? Red Hat ? Debian ? Ubuntu ? CentOS ? Fedora ? OpenSUSE ? Arch ? Gentoo ? Alpine ? Rocky Linux ?

Distributions LinuxDe nos jours, les distributions Linux ont proliféré à tel point qu’il y a de quoi être happé par un vertige existentiel face à cette jungle. On trouve près de trois cents distributions activement maintenues, si l’on s’en tient aux résultats du moteur de recherche du site DistroWatch. De nouvelles distributions surgissent toutes les semaines, sans compter le tsunami de distributions confidentielles publiées par les universités ou les simples bidouilleurs.

InfoLe site DistroWatch se consacre à l’actualité des distributions Linux et des autres systèmes d’exploitation libres comme les BSD. Il fournit à ses lecteurs des informations générales sur les distributions : tableaux comparatifs, classements de popularité, etc.

Quelle est la meilleure distribution Linux ?

Le Moyen Âge et la Renaissance avaient leurs guerres de religion, où l’on avait tout loisir de partir en croisade pour fracasser allègrement le crâne de tous les incroyants et, plus généralement, de tous ceux qui avaient le malheur de ne pas souscrire à la même religion. De nos jours, les guerres saintes et autres contrariétés ne s’organisent plus que de façon épisodique et sporadique. Le phénomène semble plutôt s’être déplacé vers les forums d’utilisateurs de systèmes d’exploitation, à en juger par le ton qui règne parfois entre individus de croyances différentes ou, pire encore, entre individus de chapelles voisines, mais dont les obédiences divergent un tant soit peu.

Bagarre

Vous pouvez très bien tenter l’expérience. Inscrivez-vous à un forum d’utilisateurs Linux – le Web en regorge – et posez la question anodine : « Quelle est la meilleure distribution Linux ? Red Hat ? CentOS ? Fedora ? Debian ? Ubuntu ? OpenSUSE ? Rocky Linux ? Slackware ? Qu’est-ce que vous pouvez me conseiller ? » Laissez macérer quelques heures voire quelques jours, et appréciez le résultat.

Les différences entre les distributions

Pour couper court à toute polémique stérile, essayons donc de voir de manière tout à fait objective ce qui distingue les distributions entre elles.

Différence

Une série de critères descriptifs – et non pas prescriptifs – nous facilitera la tâche.

  • la panoplie logicielle et l’actualité des paquets
  • les outils d’administration
  • le caractère commercial et la qualité « entreprise »
  • la configuration par défaut du bureau
  • la qualité de la documentation.

La panoplie logicielle

LogicielsLa panoplie logicielle, c’est d’une part l’ensemble des logiciels installés dans la configuration par défaut, définie par le distributeur, et d’autre part l’ensemble des logiciels disponibles, autrement dit, ceux que vous pouvez installer.

  • D’un côté, Red Hat Enterprise Linux et les distributions dérivées comme Rocky Linux, Alma Linux et Oracle Linux ne livrent qu’une sélection très restreinte de paquets soigneusement entretenus.
  • De l’autre côté, Fedora, Debian, Ubuntu et OpenSUSE proposent des paquets binaires pour tous les logiciels libres entre ciel et terre. Ou presque.

InfoEn principe, si un logiciel n’est pas inclus dans la distribution, il est toujours possible d’aller en récupérer le code source et de le compiler soi-même. Le degré de difficulté de cette opération varie grandement selon les distributions.

L’actualité des paquets

ActualiserL’actualité des paquets contenus dans les distributions – c’est-à-dire les applications et les bibliothèques – peut varier de façon assez significative.

  • Les distributions plus conservatrices comme Red Hat Enterprise Linux, CentOS ou la branche stable de Debian préfèrent miser sur des versions de paquets un peu voire beaucoup plus anciennes, dûment testées et stabilisées.
  • À l’inverse, certaines distributions extrêmement innovantes (ou « bleeding edge« , c’est-à-dire littéralement « pointues au point que ça saigne »), comme Fedora, Arch, Gentoo ou OpenSUSE Tumbleweed n’hésitent pas à inclure les dernières versions des paquets ou autres « technology previews« . Elles sont souvent prisées par les développeurs. Alors que les administrateurs système qui souffrent de surtension artérielle préfèrent plutôt les éviter.

InfoDans certains cas, les utilisateurs de systèmes conservateurs pourront mettre à jour certains composants qu’ils jugeront obsolètes sans nuire à la cohérence de l’ensemble. Là encore, la difficulté variera en fonction de la distribution que l’on utilise.

Les outils d’administration

Les outils d’administration servent à installer, supprimer ou mettre à jour des logiciels, configurer son réseau, sa carte son, son imprimante et beaucoup de choses encore. Une partie de ces outils est spécifique à chaque distribution.

Paquets logicielsPrenons l’exemple des gestionnaires de paquets.

  • Red Hat Enterprise Linux et Fedora utilisent rpm (Redhat Package Manager) et dnf (Dandified Yum) pour l’installation, la mise à jour et la suppression de logiciels.
  • OpenSUSE repose également le format de paquets RPM, mais c’est l’outil zypper qui se charge de résoudre les dépendances entre les paquets.
  • Debian et Ubuntu font appel à dpkg (Debian Package) et apt (Advanced Packaging Tool) pour gérer ces tâches administratives.

En dehors de tout ça, les distributions reposent pour la plupart sur un fonds commun de commandes d’administration simples. Dans la majorité des cas, ce sont les interfaces graphiques qui viennent se greffer sur celles-ci qui vont faire la différence.

GUI vs. CLI

Les distributions grand public comme Ubuntu, OpenSUSE ou Fedora vous facilitent – ou alors vous compliquent – la tâche en configurant le système à votre place à l’aide d’une panoplie d’assistants automatiques. L’ambition explicite des distributions comme Ubuntu et de ses dérivées consiste en effet à fournir un « Linux pour tous », installable par des utilisateurs novices sans qu’ils aient à plonger les mains dans le cambouis.

À l’inverse, les distributions « brutes de décoffrage » comme Arch, Crux, Alpine, Gentoo ou Slackware vous compliquent – ou alors vous facilitent – la tâche en supposant que vous gérez manuellement chaque étape de l’installation et de la configuration du système.

InfoNotez ici qu’en temps normal, et à quelques rares exceptions près, un serveur Linux ne disposera pas d’interface graphique. La seule façon d’interagir avec le système, ce sera en mode texte par le biais d’un interpréteur de commandes.

 

Lire la suite : Les distributions Linux pour l’entreprise


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5 commentaires

Jules Balarate · 9 août 2022 à 11 h 52 min

Super article qui résume très bien la chose ! 🙂
Un petite chose à ajouter: la prise en charge des langue qui peut parfois constituer un obstacle

    kikinovak · 9 août 2022 à 16 h 19 min

    Après l’introduction historique et anecdotique, j’aborderai une partie plus technique, et je compte dédier une leçon à la problématique des langues et des traductions sous Linux.

      Jean-Henri · 9 août 2022 à 20 h 09 min

      Depuis plusieurs années, j’organise tous les mois, une Install Party à Liège. En général, les personnes qui y viennent sont des séniors que j’ai rencontré lors de mes ateliers libres dans deux centres cybersenior. J’installe Linux Mint Cinnamon, les gens sont contents et rencontrent peu ou pas de difficultés. Moins ils y connaissent quelque chose, plus ils ont facile. La plus grosse cause d’échec, ce sont les petits enfants qui ne savent plus jouer sur l’ordinateur des grands-parents et qui leur imposent l’achat d’une machine Windows. Personnellement, je joue avec une machine sur Ubuntu avec le bureau Kde et Manjaro, avec le même bureau, et MacOs.

utux · 12 août 2022 à 13 h 00 min

Houla, tu risques d’avoir 85 milliards de commentaires avec un article comme celui-ci.

Personnellement je préfère parler de « ma distribution préférée » plutôt que « la meilleure distribution », car la vérité est qu’on peut faire la même chose et que les outils se valent très souvent. C’est une question de préférence.

    kikinovak · 12 août 2022 à 16 h 03 min

    Je me suis demandé encore s’il ne fallait pas ajouter un marqueur d’ironie à cette question. :o)

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